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L’ADN, ou les dangers de la martingale judiciaire

Le 11 novembre 2015

Il ne se passe désormais plus une seule journée sans que l’avocat pénaliste, comme tous les acteurs de la chaîne judiciaire pénale, (policiers, gendarmes, magistrats du parquet, magistrats du siège) ne soit confronté au fameux « ADN ». 

Depuis plus de 20 ans, dans le ressort de la Cour d’Appel de VERSAILLES (qui regroupe les Tribunaux de Grande Instance de CHARTRES, NANTERRE, PONTOISE et VERSAILLES) comme dans tous les tribunaux de FRANCE où ils sont amenés à plaider, Maitres Frédéric DELAMEA et Sammy JEANBART, avocats pénalistes à VERSAILLES sont devenus, par la force des choses, des familiers de cet acide désoxyribonucléique, et de la technique d’identification révolutionnaire à laquelle il a donné naissance au début des années 1990.

Rendu célèbre par quelques affaires judiciaires spectaculaires et popularisé par les séries télévisées policières, l’ADN est une macromolécule biologique présente dans toutes les cellules du corps humain et renfermant le génotype d’un individu, c’est-à-dire la totalité de l'information génétique le concernant.

Identifié sur le lieu d’une infraction, il constitue donc un indice capital.

Malheureusement, dans la pratique judicaire, ce simple indice s'est rapidement mué en preuve définitive ...

Après le long règne de l’aveu, qui fut sacré « reine des preuves » malgré ses innombrables faiblesses et les désastres judiciaires dont il fut si souvent responsable, l’ADN est ainsi devenu la nouvelle martingale de l’enquête pénale.

Les avocats pénalistes le contastent jour après jour, la nouvelle « reine des preuves » a le même effet pervers que sa devancière : elle rend l’enquêteur ou le juge intellectuellement paresseux !

De fait, là où l’ADN devrait seulement permettre de conforter une analyse, d’assoir une démonstration, de valider une succession d’indices, sa présence tend à se substituer à l'analyse, à la démonstration ou à la recherche d'autres indices.  

La nouvelle reine exerce un pouvoir absolu. Despotique, elle voudrait désormais régner sans partage.

Avec l’ADN, c’est donc un nouveau terrain de combat judiciaire majeur qui s’est ouvert pour l’avocat pénaliste qui doit, sans relâche, combattre la toute-puissance imposée de cette « preuve génétique » et contraindre le juge à exercer sur elle sa réflexion critique.

Car si l’ADN permet souvent de grandes avancées dans les enquêtes pénales, il n’en recèle pas moins des dangers tout aussi grands.

Le moindre d’entre eux n’est pas celui lié à sa volatilité . La capacité de l’ADN à se transporter ou à être transporté, notamment par simple contact, peut en effet être à la source d’innombrables erreurs judiciaires si, spontanément ou aiguillonné par l’empêcheur de juger en rond  que doit être l’avocat pénaliste, le juge ne ramène pas la nouvelle reine à un rang plus démocratique dans la hiérarchie des preuves pénales.

« Oui à l’apport de l’ADN dans la recherche de la vérité. Non à son omnipotence » : tel doit donc être le credo de chaque praticien du droit pénal, qu’il soit avocat, juge, procureur, policier ou gendarme.