L’incontournable smartphone, après avoir envahi notre quotidien, ne pouvait que s’imposer comme la nouvelle vedette des enquêtes pénales. De fait, pour les policiers, les gendarmes et les magistrats, cet incomparable outil de stockage et de communication, acteur majeur de notre vie privée dont il est devenu tout à la fois le témoin et le confident, est désormais l’outil probatoire idéal.
Puisque le téléphone portable sait tout de nous, il peut donc tout dire, pourvu que l’on puisse le faire parler …
Et c’est là que le bât blesse !
Car ces petits coffres forts de l’intime sont verrouillés par un code secret que leurs propriétaires renâclent souvent, pour des motifs divers, à confier aux autorités judiciaires lorsqu’elles le leur réclament !
Est-ce là une infraction ?
C’est une question fréquemment posée à l’avocat pénaliste mais à laquelle la jurisprudence a jusqu’à très récemment donné des réponses contradictoires.
Elle vient cependant d’être tranchée par la Cour de Cassation qui, dans un arrêt solennel rendu par son Assemblée Plénière le 7 novembre 2022, a confirmé une décision précédemment rendue par sa Chambre Criminelle le 13 octobre 2020 : le refus de révéler le code secret de son téléphone portable peut être constitutif d’une infraction à condition que ce code constitue une clé de déchiffrement au sens de l’article 434-15-2 du Code pénal, c’est à dire si le téléphone qu’elle protège est équipé d'un moyen de cryptologie.
Ce qui concerne de nombreuses nouvelles générations de smartphones ...
Dans cette hypothèse, quiconque refuse de communiquer le code secret de son téléphone portable à l’enquêteur ou au magistrat qui le lui réclame dans le cadre d’une enquête pénale, se rend donc désormais coupable de l’infraction prévue par l’article 434-15-2 du Code Pénal, qui punit de de trois ans d'emprisonnement et de 270 000 € d'amende « le fait, pour quiconque ayant connaissance de la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie susceptible d'avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit, de refuser de remettre ladite convention aux autorités judiciaires ou de la mettre en œuvre, sur les réquisitions de ces autorités »
En revanche, si le téléphone saisi n’est pas équipé d’un moyen de cryptologie, le refus de révéler son code secret ne tombera pas sous le coup de la loi.
La Cour de Cassation rappelle qu’il incombe donc au juge de démontrer la présence d’un tel équipement sur le téléphone en cause, mais aussi de démontrer que le code de déverrouillage permet de mettre au clair tout ou partie des données cryptées contenues dans le téléphone ou auxquelles il donne accès.
Une nouvelle occasion pour l’avocat pénaliste de mettre en œuvre une défense 2.0 !
Frédéric DELAMEA et Sammy JEANBART