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La conduite sans permis : vers une dépénalisation du délit ?

Le 27 août 2015

La polémique a rapidement enflé à la faveur de l’été après l’examen par le Conseil des Ministres du 31 juillet 2015 du projet de loi "pour la réforme judiciaire J21" (Projet dit "Justice du XXIe siècle") : la Chancellerie envisagerait, disait-on, de "dépénaliser" le délit de conduite sans permis de conduire.

La réalité est plus nuancée.

Pour l’heure, la conduite sans permis de conduire est prévue et réprimée par l’article L 221-2 du Code de la Route aux termes duquel : " Le fait de conduire un véhicule sans être titulaire du permis de conduire correspondant à la catégorie du véhicule considéré est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende."

Le projet de réforme prévoit, dans certaines hypothèses, de transformer ce délit (qui expose son auteur à une comparution devant le Tribunal Correctionnel), en une contravention relevant de la compétence du Juge de Proximité et pouvant donc faire l’objet, en l’absence de contestation de la part du mis en cause, d’une procédure simplifiée d’amende forfaitaire recouvrée de façon automatisée.

Selon l’article 15 du projet de loi déposé devant le Sénat, le délit de défaut de permis de conduire serait ainsi transformé en contravention de la cinquième classe lorsque les faits seront constatés pour la première fois et ne seront pas commis en même temps qu’une autre infraction.

Les auteurs de ces contraventions, constatées par procès-verbal électronique, devront alors s'acquitter d'une amende forfaitaire de 500 euros (minorée à 400 euros si elle est payée dans les quinze jours) et, à défaut de paiement volontaire dans les 45 jours, d'une amende forfaitaire majorée de 750 euros, qui fera l'objet d'un titre exécutoire émis par l'officier du Ministère Public et pouvant être recouvré de force par le Trésor Public.

Si la personne mise en cause conteste l'amende forfaitaire, le dossier sera transmis à l’officier du Ministère Public du Tribunal de Police de son domicile, qui sera compétent, s'il estime la contestation non fondée, pour engager des poursuites devant un Juge de Proximité.

Restent en dehors du champ de ce projet de réforme :

- la conduite malgré invalidation du permis du fait de la perte de l'ensemble des points

- la conduite sans permis commise de façon renouvelée dans un délai de cinq ans

- la conduite sans permis commise en même temps que d'autres infractions (conduite sous l'empire d'un état alcoolique, homicide ou blessures involontaires, délit de fuite, défaut de ceinture ...)

- la conduite sans permis commise par le conducteur d'un véhicule de transport de personne ou de marchandise

Dans ces hypothèses, l'infraction continuera à constituer un délit, exposant son auteur à une comparution devant le Tribunal Correctionnel et à une peine d'emprisonnement de deux ans, soit le double de la peine prévue aujourd'hui.

L'objectif affiché de cette réforme est de permettre "une sanction plus rapide et plus systématique"ainsi qu’une "répression automatique" de la conduite sans permis. Le Ministère de la Justice estime en effet que le système actuel, avec ses sanctions tardives et plus ou moins sévère selon les juridictions, n’est pas assez dissuasif. Il entend donc assurer une réponse pénale immédiate et plus effective en cas de première infraction "simple", l'agent verbalisateur notifiant sur le lieu même de la contravention le montant de l'amende, identique sur l'ensemble du territoire.

L'objectif est également de sanctionner plus sévèrement les personnes qui se maintiendraient en infraction à la suite d'une première verbalisation ou qui présenteraient une particulière dangerosité à raison des circonstances de commission de l'infraction.

Plus prosaïquement, il s'agit en réalité avant tout pour les pouvoirs publics de limiter une fois de plus le recours au juge afin de "désengorger" des juridictions correctionnelles saturées ...

L'avocat pénaliste ne peut donc qu'être très circonspect à l'égard d'un tel mécanisme de "justice automatisée" qui, sous prétexte d'efficacité et de célérité, risque dans de nombreux cas, de faire bon marché des droits de la défense.

Maîtres Frédéric DELAMEA et Sammy JEANBART, avocats spécialistes en droit pénal au sein du Cabinet d'Avocats DFJM à VERSAILLES suivront donc avec une particulière attention les débats qui s'ouvriront cet automne au Sénat à ce propos.

Débats au cours desquels il n'est d'ailleurs pas exclu que le projet, très critiqué de toute part, soit purement et simplement abandonné !